Casablanca – Le Directeur général du cabinet GUI4, expert MRICS en immobilier et expert judiciaire près la Cour d’Appel de Casablanca, Mohamed Lazim, expose dans une interview accordée à la MAP, les nouvelles dispositions du projet de loi de finances (PLF-2021) relatives aux Organismes de placement collectif immobilier (OPCI) et émet des propositions à même d’assurer un meilleur décollage et développement de l’activité au Maroc.

1. Tout d’abord, expliquez-nous le régime fiscal applicable aux OPCI?

La loi de finances de 2017, complétée par la loi de finances de 2019, a institué un régime fiscal spécifique aux OPCI. Ce régime repose sur le principe de la transparence fiscale qui consiste à rendre les bénéfices imposables qu’au moment de leur distribution aux actionnaires (avec un abattement de 60% pour les actionnaires personnes morales).

Les OPCI ont bénéficié, également, de plusieurs incitations fiscales. Il s’agit principalement de :

– Exonération totale et permanente de l’IS au titre des bénéfices provenant des activités autorisées à être exercées par les OPCI en vertu de la loi n° 70-14, à condition de distribuer une part importante de leurs revenus et plus-values.

– Exonération des droits d’enregistrement au titre des règlements de gestion des OPCI et des actes relatifs aux variations du capital et aux modifications des statuts.

– Neutralité fiscale temporaire au titre des opérations d’apport d’immeubles à un OPCI. En effet, la plus-value réalisée suite à l’apport en nature d’un actif immobilier à un OPCI ne subit pas d’impôt au moment de l’apport. Toutefois, cette plus-value sera imposable à la cession partielle ou totale ultérieure des titres relatifs à ces apports avec une réduction de 50% en matière d’impôt (IS ou IR). Il est à noter que ces dispositions sont valables jusqu’au 31 Décembre 2020.

2. Quelles sont les nouvelles dispositions du PLF-2021 relatives aux OPCI ? Et Quelle lecture en faites-vous?

Le PLF-2021 a prévu plusieurs dispositions réglementaires relatives au régime fiscal des OPCI. Il s’agit en l’occurrence :

– Prorogation du régime fiscal transitoire de deux ans à partir de 01 Janvier 2021 au titre des opérations d’apports des immeubles aux OPCI réalisées par les contribuables personnes morales soumises à l’IS, ou personnes physiques soumises à l’IR professionnel (RNR/RNS), ou les particuliers soumis à l’IR sur profit foncier. Cette prorogation est justifiée par le retard enregistré dans la publication de tous les textes d’application de la loi 70-14 relative aux OPCI ;

– Institution de la Contribution Sociale de Solidarité (CSS) au titre de l’exercice 2021. L’objectif de la CSS est, principalement, la mobilisation des ressources nécessaires au renforcement de la solidarité durant cette période. Cette contribution sera versée, également, par les détenteurs des parts des OPCI (personnes morales ou personnes physiques) au titre des bénéfices distribués. Il s’agit, pour les personnes morales soumises à l’IS, d’une contribution de 2.5% sur la base du bénéfice net situé entre 5 et 40 MDH et 3.5% sur la base du bénéfice net supérieur à 40 MDH. Quant aux personnes physiques soumises à l’IR, une contribution de 1.5% sera applicable au revenu annuel global net d’impôt supérieur à 120.000 DH.

Certes, la prorogation du régime fiscale transitoire de deux ans à partir de 01 Janvier 2021 est une mesure importante qui permettra, sans doute, d’encourager les opérations d’apports des biens immeubles à l’actif des OPCI. Toutefois, ce délai de prorogation nécessiterait, à mon sens, d’être étendu et cela, pour plusieurs raisons:

– Le lancement officiel des OPCI par le ministère des Finances a eu lieu le 11 Juin 2019, et la constitution effective des OPCI ne pouvait avoir lieu qu’après la publication au bulletin officiel, en date du 05 Septembre 2019, de la circulaire de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) n° 02/2019 relative à l’agrément et le fonctionnement de l’OPCI ;

– Les perturbations de l’activité économique engendrées par la crise sanitaire Covid 19 ;

– La mise en place récente des OPCI et leurs perceptions par les parties prenantes. En effet, plusieurs investisseurs et professionnels de l’immobilier perçoivent ce nouvel outil d’investissement comme étant un instrument compliqué de par sa réglementation et son contrôle rigoureux par l’AMMC. Un délai supplémentaire permettrait, ainsi, de vulgariser davantage ce nouveau mode d’investissement aux professionnels et au grand public et de bien maîtriser le montage juridique, administratif et fiscal des OPCI ;

– La mise en place des OPCI « Grand public » n’a pas encore lieu.

3. Quelles sont les mesures que vous jugez nécessaires et importantes pour garantir le succès des OPCI au Maroc?

D’après l’analyse du marché immobilier au Maroc et d’après une lecture approfondie du régime réglementaire applicable aux OPCI, je recommande de prévoir les dispositions suivantes :

– Proroger le régime fiscal transitoire pour une durée de 5 ans minimum à partir du 01 Janvier 2021 et ce, sous réserve de la mise en place de la réglementation des OPCI « Grand public » dans les 2 ans qui suivent.

– Autoriser aux OPCI d’acquérir des actifs immobiliers résidentiels pour absorber le stock non-vendu de ces actifs et augmenter l’offre résidentielle locative.

– Prévoir un régime spécifique pour les foncières qui désirent se transformer en OPCI et éclaircir certaines dispositions à caractère juridique et fiscal relatives à cette opération.

– Accorder une exonération ou appliquer un droit fixe pour les droits de la conservation foncière au titre des opérations de cession des actifs immobiliers au profit des OPCI.

– Autoriser aux OPCI d’acquérir des actifs immobiliers en hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans la mesure où le montant de la TVA grevant l’investissement principal des OPCI (lors de l’acquisition d’actifs immobiliers) est très important, comparé aux loyers perçus. Cette disposition permettra, d’une part, d’encourager les OPCI à investir davantage dans le marché immobilier et, d’autre part, d’augmenter leurs liquidités en évitant un crédit de TVA important dont l’absorbation par les revenus locatifs nécessiterait plusieurs années.

Publié le 3 novembre 2020

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